L'effleure du mâle



« Snif ! Snif ! Mais, c’est quoi cette odeur ? ». Elle souleva quelques feuilles qui leurs faisaient office de couche. « Non, ça c’est pas moi. ». Elle approcha le nez des ses aisselles. « Non ». De ses mains. « Non plus ». Puis, elle comprit. Tout doucement, pour ne pas le réveiller, elle entreprit une approche silencieuse afin de vérifier. Déjà, à moins d’un mètre, elle n’avait plus aucun doute. Il y avait de quoi vous soulever le cœur !
« J’EN AI MARRE ! » Hurla-t-elle. Il sursauta.
« Quoi, qu’est-ce qu’y a encore ? »
« Combien de fois je t’ai demandé de te laver les pieds avant de te coucher ? »
« Quoi ? De quoi tu parles ? »
« De tes pieds qui puent ! »
Adam souffla. Profondément désespéré ! Il faudrait attendre encore quelques millénaires avant que n’existe le divorce ! Le bon coté des choses, c’est qu’il n’y avait pas encore de Justice non plus. Peut-être quand elle dormirait … un bon coup de massue sur la tête … Puis, il referma ses paupières, non sans un petit sourire qui laissait planer dans l’air comme un parfum de tentation …
Ses espoirs de repos ne furent que de courte durée.
« Pousse-toi. Tu prends toute la place ! »
Décidément, cette Eve commençait à lui courir sur le haricot ! Il ne pouvait même pas la renvoyer chez sa mère. Ah, sa mère, s’il la tenait celle-là ! Mais pourquoi n’avait-il pas choisi autre chose ? Une autre femelle (*). Il se rappela qu’il avait pourtant hésité.
Il y avait Aria la lionne. Rapide, bâtie pour la chasse, … Il n’aurait pas été obligé d’aller tous les jours attraper du gibier pour « Madame ». Et encore moins de s’écorcher les mains à devoir confectionner ses foutus manteaux de fourrure.
Ou alors Yaël, cette petite biche. Le poil soyeux, des yeux en amandes, avec son petit air de naïve qui ne connaît rien à la vie mais qui veut tout apprendre. Le rêve pour un homme !
Ou encore Pila l’éléphante. Certainement difficile à satisfaire, mais une si bonne femelle d’intérieur. De plus, avec elle, on peut se promener tranquilles en petite banlieue, on ne risque pas de se faire agresser ! C’est bon, aussi pour un homme, de se sentir protégé !
Au lieu de ça, Môssieu s’est laissé embobiner par cette, cette, … cette quoi au fait ? Une guenon ? Non, un peu moins poilue ! Un perroquet ? Non, nettement plus bavarde ! … Vraiment étrange, cette nature !
« J’ai soif ! »
« Et alors ? »
« Eh ben, j’ai soif ! »
Va trouver à boire à cette heure-ci ! Adam fermât les yeux et eut la vision d’un distributeur de boissons fraîches, planté là, en pleine campagne, sans courant, 6000 ans avant son invention. Il ne put s’empêcher de sourire.
« Pourquoi tu rigoles ? »
« Oh, pour rien. »
« Non, non. Dis-moi »
« Pour rien, je te dis ». Que pouvait-il lui expliquer. Sa vision du bonheur ? Un gros divan en cuir, une bonne bière bien glacée à partager avec les gosses en face d’un bon match de foot ?
« Oui, je sais, tu penses encore à elle. L’autre espèce de singe. Tu ne crois pas que j’ai vu son manège à celle-la ? »
Et voilà, c’était reparti ! N’y tenant plus, Adam, sans répondre un mot, se leva et s’éloigna dans la pénombre.
« Et, en plus, il me laisse toute seule ! »
Il ne répliqua même pas et s’enfonça dans la douce tiédeur de la nuit.



« Eh, Dieu ! … Dieu, tu es là ? ». Pas de réponse.
« Houhou ! Mon Dieu ! C’est moi, Adam ! »
« Oui, mon fils. Parle. »
« Tu as une drôle de voix, ce soir, mon Dieu. »
« C’est parce que je suis enrhumé, mon fils. »
Enrhumé ? Dieu enrhumé ?
« Ok, c’est bon les gosses, je vous ai reconnus. »
Aussitôt des éclats de rires explosèrent et les deux marmots sortirent des buissons.
« On t’a bien eu, hein, papa ? »
« Ouais, ouais, mort de rire ! Mais, vous n’êtes pas encore couchés à cette heure-ci ? »
« Mais, père, il n’y a pas d’heure puisque l’idée même du temps est, et restera encore pour longtemps, une notion plus que relative. Sans parler du fait que si on le relie à l’espace, je ne parle pas de superficie d’un point de vue stricto sensu, mais plutôt du flux universel qui berce l’équilibre du monde, le flou est encore plus intense, étant donné le nombre de possibilités infinies que nous offre la nature. En fait, plutôt que d’imaginer ces paramètres comme une limite ou une contrainte, ne devrions-nous pas plutôt parler d’entités multidimensionnelles permettant à l’homme de communiquer avec toutes les formes offertes par la nature ? Aussi bien celles qui sont en nous, que celles à l’extérieur de nous. Urbi et Orbi ! Aussi bien, sur terre. Ses animaux, ses pierres, ses plantes. Mais peut-être demain, qui sait, ces petits points brillants qui luisent au firmament, ce bleu immense et profond qui ruisselle d’aventures, de découvertes, et de … ».
PAF !
« Tu ne l’a pas volée, celle-là ! Va te coucher Bebel ! ». Cria-t-il à Abel.
Non mais. Il ne manquait plus que ça ! Un intello dans la famille. Lui se crevait du matin au soir afin d’extirper de cette terre de quoi subsister et monsieur qui jouait les Einstein !
« Heureusement que tu n’es pas comme ça, toi. Allez, viens mon petit Caca ».
« Mais, papa, je t’ai déjà dit que je n’aime pas quand tu m’appelles comme ça ! J’ai quarante-trois ans maintenant. »
« Oui, Caïn, je sais, mais tu seras toujours mon petit bébé, et comme je devrai vivre encore plusieurs centaines d’années, tu ferais mieux de t’y habituer »
Ils s’éloignaient vers le cœur de la forêt, bras dessus, bras dessous, comme de vieux copains.
« Papa, raconte-moi encore quand vous étiez en Eden, avec maman. »
« Oh, tu sais, c’était il y a bien longtemps. On était jeunes. Pas de gosses, pas de responsabilités. Ta mère avait alors vingt kilos de moins, les seins fermes et pas de culotte de cheval. C’était le bon temps ! »
« Mais, tu ne m’as jamais expliqué pourquoi vous aviez émigrés ici ? »
« Oh, tu sais, tu es encore un peu jeune pour comprendre »
« Mais, papa ! …»



(* selon les commentaires bibliques, Adam eut le choix entre plusieurs autres sortes de « femelles » avant de choisir Eve)
Petit délire biblique après avoir lu quelques Astérix & Obelix en boucle !



13 Juillet 2003
© Dan Bigeard
Cercle Des Poètes Juifs

Ajouter un commentaire

Liste des commentaires (7)


Je découvre et je suis ravie !
Merci Dan pour ce moment d'évasion ...
Emilia , le 2 Janvier 2009

Succulent! j'ai beaucoup ri, j'ai aimé... on en redemande!
Aliza , le 20 Novembre 2005

super "parodie" d'adam et eve; j'ai beaucoup aimé.
Emeline TRASSOUDAINE , le 21 Mai 2004

Charmant texte! J'adore le ton enjoué, et quel sens de l'humour! Bravo!
Isabelle MATTHIEU , le 8 Mars 2004

une franche rigolade, j'ai bien aimé. @micalement
Gabrielle EGGER , le 8 Mars 2004

Vraiment, je ne me suis pas ennuyé.On tous vécu çà non. Merci pour ton humour.
Gaston VAUCHER , le 7 Mars 2004

délirant... mais marrant et sympa comme tout !
Astrid , le 7 Mars 2004