Bonjour printemps
La bise noire


La bise noire

Je me souviens d’un jour d’avril,
quand la bise noire s’abattit sur le lac,
et giflait sans égard tout venant.
Sa force vive et transparente,
Taclait rageusement des crêtes naissantes.
On entendait alors gémir les toiles des voiliers,
et crisser plaintivement les haubans.
Des mouettes râleuses, ivres et oisives,
piquaient de leur bec cisaillant,
les larmes écumeuses des remous,
comme pour amadouer l’intrépide envahisseur.
Les poulardes inquiètes et peureuses,
encadrées par des cygnes effarouchés,
regagnaient hâtivement leur dortoir pierreux,
sous ce morne ciel de deuil et de colère.
Le lac ressemblait à un tas d’oripeaux flottants.
Le long des quais, de jeunes arbres,
chauves et glacés s’étiraient cers le ciel,
se retrouvaient parfois jonchés, sans vie.
Leur triste chute blessait mon regard.
Par-dessus le macadam, des essaims de feuilles mortes,
éperdues, virevoltaient et valsaient follement,
frappant comme d’impitoyables lanières en cuir,
et dans un chahut électrique,
la carcasse boursouflée des voitures peinant à rouler.
C’était un jour d’Avril, dopé de bise noire.
Un vent du Nord patibulaire et glacial,
pénétrant, bousculant, insupportable,
laissant au promeneur un impossible souvenir.
Ce jour-là, mon âme était lourde et brisée.
La bise noire est une vielle dame malicieuse,
Sœur jumelle de la sorcière bistre de Halloween.

4 Mai 2016
© Burt Hann



4 Mai 2016
© Burt Hann

Ajouter un commentaire