75e anniversaire de la libération d'Auschwitz
Le train surgit des ténèbres. Réveille-toi, citoyen capon ! Dans la campagne endormie, la lune est blême ; une colère froide blanchit sa figure ; son rayon balaie des visages apeurés ; l’astre pénètre les wagons à bestiaux ; il les accompagne à la nuit du tombeau ; l’innocence funèbre roule vers la mort.
Une mélopée lugubre rythme le convoi ; la promiscuité d’un univers immonde transforme l’individu en troupeau amorphe. Sous les roues, la ferraille entrechoque la résistance réfugiée dans la matière.
Les enfants pendent aux basques de l’espoir ; leurs pleurs les attachent à l’humain. Mais le destin suit un train d’enfer, leurs larmes n’éroderont point les cœurs de pierre.
Le soleil découvre les étoiles jaunes. les nuages peinent à cacher l’infâme ; l’éclair ne déchire pas l’ignominie ; l’orage ne frappe pas l’opprobre. La locomotive siffle la camarde dans un désert d’humanité. L’imagination fertile conduit la haine ; elle s’arrêtera à la solution finale.
Les wagons vides repartent vers l’oubli. La bétaillère est derechef peuplée ; des bêtes ont remplacé les boucs émissaires.
Six millions ont fait le grand voyage ; leur trajet a strié l’Humanité.
24 Janvier 2020 © David Frenkel
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